VERS UN NOUVEAU CONFLIT AU MOYEN-ORIENT
La rupture des relations diplomatiques avec l’Iran, annoncée par l’Arabie saoudite, constitue un nouveau rebondissement dans un conflit vieux de plus de trente ans. Au-delà de cet épisode, les deux grandes puissances du Moyen-Orient s’affrontent historiquement pour l’hégémonie régionale, se posent chacun comme le défenseur des deux grands courants de l’islam, le sunnisme pour Riyad et le chiisme pour Téhéran. Au sein même de l’Iran cette rivalité religieuse, sur les rives du golfe persique, et territoriale, au Baloutchistan iranien, peut donner à naissance un conflit opposant ces grandes puissances et leurs alliés.
Le sunnisme en Iran persécuté
Le chiisme en Iran est le courant religieux majoritaire dont tous les dirigeants sont issus. Les Sunnites, quant à eux, ne bénéficient même pas du statut de minorité religieuse. Ils sont tout simplement ignorés par le pouvoir central, qui les considère comme des citoyens de seconde zone. Pourtant les musulmans sunnites iraniens représentent entre 9 et 15 % de la population, principalement concentrés dans le Golfe persique. A l’époque du Chah, le sunnisme était reconnu, et son développement encadré mais largement autorisé. Mais depuis la Révolution islamique, les Sunnites ne bénéficient plus d’aucun type de reconnaissance, et ne disposent d’aucun accès à la politique depuis 1979. Les lieux de culte sunnites sont formellement interdits, tout comme l’accès à l’ensemble des emplois publics ou gouvernementaux.
La politique discriminatoire de Téhéran vient donc alimenter la radicalisation de certains sunnites, encouragé par l’Arabie saoudite, qui revendiquent leur différence.
En définitive, le pouvoir iranien se voit de plus en plus contesté en interne par la minorité sunnite qui souffre de discrimination. Si le pouvoir en place réussit à empêcher toute structuration politique sérieuse qui pourrait changer la situation, cela ne fait que renforcer la voie du radicalisme et du recours au terrorisme. En incarcérant à répétition des sunnites qu’il soupçonne de complicité avec les groupes terroristes, le pouvoir iranien ne fait que poursuivre un cercle vicieux qui pousse sa minorité la plus contestataire vers la voie de l’action armée.
Le Baloushistan iranien au cœur des préoccupations
Située à l’est de l’Iran, le Baloushistan est une région instable qui a toujours eu des velléités d’indépendance depuis plusieurs années. Zone à majorité sunnite, soutenu également par l’Arabie saoudite, elle occupe territorialement une région située entre l’Iran et la Pakistan. Afin de lutter contre le pouvoir centrale de Téhéran, un mouvement a émergé ces dernières : La Jundullah.
La Jundullah est à l’origine un mouvement indépendantiste Baloutche iranien mais dont la dimension religieuse a toujours été présente dans son discours, les Baloutches étant une minorité sunnite en terre chiite. L’affaiblissement du régime des mollahs, lié à l’embargo sur le pétrole, a aggravé ces derniers mois les tensions dans le Baloutchistan iranien. Une aggravation des tensions est d’autant moins à exclure que l’Iran a plusieurs fois menacé d’intervenir militairement pour détruire les sanctuaires de la Jundullah. Téhéran accuse également l’Arabie saoudite de complicité avec les « terroristes ». Ici se situe l’un des principaux risques pour le Baloutchistan. En raison de la forte augmentation des tensions entre l’Iran et l’Arabie Saoudite, il risque de devenir une nouvelle zone d’affrontement entre les deux pays. Tout y concourt : la présence de djihadistes sunnites violents et les exactions envers une minorité chiite qui s’y multiplient.
Dans cette lutte pour la suprématie régionale, les militants baloutches risquent de se retrouver pris entre deux feux et marginalisés. Quelques affrontements armés entre factions indépendantistes baloutches et militants djihadistes ont été signalés. Et si l’Etat ne parvient pas à rétablir un semblant de contrôle sur la zone, le Baloutchistan a de fortes chances de devenir le nouveau terrain d’affrontement entre l’Iran et L’Arabie Saoudite
Un conflit à venir ?
L'Arabie saoudite a appelé à maintenir la pression sur l'Iran pour qu'il cesse sa «politique de déstabilisation» dans la région au lendemain de la levée par Washington d'exemptions sur l'achat de pétrole iranien. Le chef de la diplomatie saoudienne a exprimé, dans un communiqué, la satisfaction «totale» de son pays après la décision américaine, la qualifiant de «mesure nécessaire pour amener le régime iranien à cesser ses politiques de déstabilisation et de soutien au terrorisme à travers le monde».
Il a rappelé la position de son pays appelant à la « poursuite des efforts internationaux pour obliger le régime iranien à respecter la loi internationale et à cesser ses ingérences flagrantes dans les affaires intérieures d'autres Etats et ses activités qui ont provoqué le chaos et la destruction dans de nombreux pays ».
Ce message semble avoir été entendu par les alliés américains. En effet, l’annonce de l’envoi d’un porte-avions et de son groupe aéronaval dans le golfe persique semble accélérer l’escalade militaire dans le golfe persique et notamment dans le détroit d’Ormuz. Les pays riverains comme les émirats arabes et la France (mirage 2000 basé à Al Dafrah) ont annoncé renforcer leurs postures de protection dans la région.